jeudi 12 mai 2016

A propos d'une motion de censure que je n'ai pas votée


La motion de censure déposée par les groupes "Les Républicains" et UDI de l'Assemblée nationale, consécutivement à l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le projet de loi
visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs,  au titre de l'article 49-3 de la constitution, a recueilli 246 voix. Il en aurait fallu 288 pour qu'elle soit adoptée et qu'en conséquence, le gouvernement démissionne.

L'analyse d'un scrutin permet toujours de mieux en comprendre le sens. Rappelons tout d'abord que la motion de censure est un texte politique, qui expose les raisons pour lesquelles des députés souhaitent renverser le gouvernement. Celui qui était proposé aujourd'hui était clairement de droite et sa défense dans l'hémicycle par Christian Jacob, président du groupe de "Les Républicains", ne laissait planer aucun doute sur cette inspiration.

S'agissant de sujets économiques et sociaux, il est donc logique que parmi les 246 députés qui ont soutenu cette motion de censure, 229 soient de droite. Si l'on considère que le potentiel maximum de votants se reconnaissant dans ce camp politique est de 234, on peut dire que l'opposition a fait le plein, ce qui n'est pas étonnant. Pour faire bon poids, se sont ajoutées 2 des 3 voix des députés d'extrême droite, toujours pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour.

Seuls 15 suffrages venant des 343 députés étiquetés à gauche sont venus appuyer l'entreprise de la droite et de l'extrême droite. 11 membres du groupe GDR (à dominante communiste) sur 15, 2 écologistes sur 16 et 2 non inscrits sur 4. C'est peu et c'est heureux. C'est trop à mes yeux, mais il appartiendra à chacun de juger ce type de grand écart, consistant à appuyer la droite, parce que l'on estime que la gauche ne serait pas assez à gauche. Aucun socialiste ne s'est embarqué dans cette aventure. Je m'en réjouis.

Certains regretteront peut-être que la tentative de dépôt d'une motion de censure alternative, fondée sur une critique "de gauche" du gouvernement, n'ait pu aboutir. Passons sur l'attitude héroïque de ceux de mes collègues qui ont attendu la dernière minute pour s'en déclarer signataire, après s'être assurés que le chiffre fatidique de 58, nécessaire à son enregistrement, ne serait pas atteint ! En tout état de cause, une telle motion n'aurait eu aucune chance de prospérer, sauf à recueillir le soutien massif de la droite, ce qui aurait alors constitué la forme inverse du grand écart que j'évoquais plus haut.

En effet, s'il est toujours assez aisé de constituer une majorité de rejet, cela n'a de sens que lorsque l'on est capable de proposer une majorité alternative de projet. Voilà pourquoi l'article 49-3 de notre constitution n'est pas le déni de démocratie que l'on dit. Il oblige simplement ceux qui ne sont pas d'accord avec un texte à proposer autre chose à la place. Toutes les grandes démocraties modernes disposent de tels mécanismes, parfois bien plus contraignants (je pense à celui de la constitution allemande), afin que l'addition des contraires ne conduise pas au blocage et à l'inaction.

Reste le fond du projet de loi. Je me reconnais assez dans ce qu'en a dit hier Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT : "J'en ai assez des postures, par exemple de ceux qui disent que ce texte remet en question tous les droits des salariés. Qu'ils disent lesquels !". Telle est, pour moi, la seule question intéressante. Elle mérite un débat sérieux et apaisé, plutôt que des procès en trahison, des insultes, parfois même des menaces.

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