jeudi 28 janvier 2016

Réformer notre constitution est un des outils de la lutte contre le terrorisme




Rarement, même si d'autres exemples me viennent à l'esprit, projet n’aura fait couler d’encre et suscité de commentaires, autant que le projet de réforme constitutionnelle de protection de la Nation, annoncé par le président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 16 novembre dernier trois jours après les attentats de Saint-Denis et Paris, présenté en Conseil des ministres le 23 décembre 2015 et dont l’examen a débuté cette semaine à l’Assemblée nationale.

Malgré les nombreuses sollicitations, parfois pressantes, j’ai refusé jusqu'à maintenant de prendre position « a priori ».

Compte tenu de l’enjeu, je voulais réfléchir, analyser, écouter. Conscient des inquiétudes sincères que pouvait susciter la question de la déchéance de la nationalité pour les seuls binationaux, je me suis fixé pour feuille de route la contribution à la recherche d’une solution de nature à rassembler le plus largement possible, plutôt que de participer par des déclarations définitives à l’exacerbation des passions.

Parce faire évoluer notre constitution est un acte rare, en l’occurrence de nature à être l'une des réponses que la Nation doit apporter au contexte troublé et d’une extrême gravité auquel nous devons faire face, j’ai privilégié le travail discret aux effets de manche médiatiques.

Aujourd’hui, je considère que les solutions qui sont sur la table, au terme de ce travail de réflexion, représentent un compromis à la hauteur de l’enjeu.

En plus des moyens nouveau mobilisés depuis 2012 à destination de nos forces de sécurité pour garantir à tous les Français, au quotidien, les meilleures conditions de protection ; en complément de la poursuite de l’action militaire engagée par notre pays pour frapper les groupes terroristes à la racine comme le doit une grande puissance mondiale, la réforme constitutionnelle dans sa version issue des travaux de la Commission des lois, me semble réunir les conditions d’un large rassemblement de la Nation.

Rassemblement d’abord autour de l’attachement au respect de notre Etat de droit, de nos valeurs de liberté, d'égalité, de nos principes démocratiques. Il est nécessaire d’inscrire l’état d’urgence dans notre constitution. Parce que ce régime d’exception, le plus fréquemment utilisé sous la Ve République, est le seul qui n’est pas aujourd’hui inclus dans la loi fondamentale et donc le seul qui ne dispose pas d’un encadrement strict, garant du respect de nos droits et de nos libertés. La réforme permettra de corriger cette « lacune » de notre droit. L’usage et le recours à ce régime forcément temporaire, dont l’utilité est avérée, seront donc désormais assortis du strict cadre juridique nécessaire.

Rassemblement ensuite autour de la fermeté du message que nous devons collectivement adresser à tous ceux qui s’en prennent ou projettent de s’en prendre à la communauté nationale. C’est en ce sens, me semble-t-il, que doit s’entendre la déchéance de la nationalité française à l’encontre de coupables condamnés pour des crimes et délits qui constituent une atteinte grave à la vie de la Nation. Je n’ai jamais pensé, ni prétendu que ce dispositif pouvait avoir un effet dissuasif sur les terroristes ou apprentis-terroristes. J’ai même affirmé en son temps le contraire et je n’ai pas changé d’avis. La déchéance ne saurait être une mesure dissuasive, à l’égard d’individus qui n’ont, de toute façon, plus aucune forme de respect, ni d’attachement, pour leur pays. Mais elle peut être l’expression d’une réaction collective de la Nation, la manifestation d’un rejet, qui a pleinement son sens dans la période, parce qu’elle permet aux Français, dans toute leur diversité, de faire bloc contre leurs agresseurs.

La réécriture du texte qui a finalement été retenue, telle que je l’avais suggérée dès le début du mois de janvier, me semble  lever toutes les craintes et inquiétudes que nombre de nos concitoyens, parmi lesquels beaucoup de mes amis proches, ont pu exprimer et que je partageais pour une part. Je veux en exposer ici les grands principes. Aucune référence à la bi-nationalité ne figurera dans la constitution, ni dans les lois ordinaires qui seront adoptées pour en détailler les modalités d’application, parce qu’il ne peut exister différentes catégories de Français distingués selon leur parcours personnel. Cette mesure demeurera un acte exceptionnel, rare, sanctionnant des comportements graves de rupture avec la communauté nationale. Le fait que les choses soient ainsi écrites dans notre constitution représente une garantie nouvelle contre toute volonté de dérive ultérieure.

Plus aucun obstacle ne me semble donc subsister, pour que toutes les femmes et les hommes de bonne foi, qui ont pleinement conscience de la situation dans laquelle se trouve notre pays, puissent approuver ce projet de réforme constitutionnelle. C’est ce que je m’apprête à faire, en conscience.

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