lundi 14 décembre 2015

Les enseignements que je tire d'un dimanche sans vainqueur






Le deuxième tour des élections régionales a déjà fait l’objet, depuis hier soir, de nombreux commentaires. Je voudrais, à mon tour, dire ici ce qu’il m’inspire.

L’augmentation significative de la participation, après un premier tour qui avait déjà permis d’enregistrer un petit sursaut, est une bonne nouvelle pour tous les amoureux de la démocratie.

Un peu moins de six Français sur dix se rendant aux urnes pour des élections régionales, ce n’est pas mal. A mes yeux, cela reste cependant insuffisant et il est dommage qu’il faille parfois attendre le deuxième dimanche pour voir se mobiliser ceux qui regrettent la catastrophe du premier, à laquelle leur non-participation au scrutin a pourtant contribué.

Pour remédier à la désaffection chronique des urnes, certains proposent de rendre le vote obligatoire. Ma conviction est que là n’est pas la solution. Le vote est un droit. C’est aussi, pour moi, un devoir moral. Mais lorsque tout ce qui n’est pas interdit devient obligatoire, on n’est pas loin de basculer dans une forme de totalitarisme, pour paraphraser Malaparte. 

Je me réjouis également que le sens des responsabilités l’ait partout majoritairement emporté, aucune région ne tombant dans les mains du Front national.

Il a fallu pour cela, tout d’abord, de la force et de la clarté politique : celle qu’a notamment incarné sans ambiguïté le Premier ministre Manuel Valls, en refusant toute situation de nature à favoriser l’élection de l’extrême droite à la tête d’une région.

Il a fallu, ensuite, le sens des responsabilités des candidats socialistes qui ont accepté le sacrifice de disparaître durant six ans de l’assemblée délibérante de deux grandes régions, élevant les valeurs bien au-dessus de la légitime quête des responsabilités qui est le moteur normal du combat politique. On aurait aimé que ce sens des responsabilités soit mieux partagé. Car le ni-ni de Nicolas Sarkozy n’était en réalité rien d’autre qu’un et-et : et tu te retires et moi je reste !

Il a fallu, enfin, la maturité d’un électorat de gauche qui a très majoritairement compris que lorsque la République est menacée, il ne faut pas attendre des autres qu’ils fassent ce que l’on souhaite pour soi-même.

Le seul vainqueur incontestable de ces élections régionales, c’est donc la démocratie.

Au-delà des trois régions où la gauche appelait à utiliser son bulletin de vote pour faire barrage à l’extrême droite, cinq régions ont été emportées par la gauche et quatre par la droite. Dans deux cas pour la gauche (Bourgogne/Franche-Comté et Centre) et deux cas pour la droite (Ile-de-France et Normandie) le scrutin s’est joué à fort peu.

Ce qui prouve bien que la voix de chacun compte et peut s’avérer déterminante lors de chaque élection. Je n’ai jamais cessé de le dire à mes concitoyens, durant cette campagne.

La mauvaise nouvelle de la soirée a naturellement été, pour moi, la défaite de Claude Bartolone en Ile-de-France.


Nous savions le combat difficile. C’est la raison pour laquelle nous lui avions demandé d’être notre candidat. Il a eu le courage de ne pas se dérober et de mener une campagne à laquelle il s’est donné tout entier, quand sa position institutionnelle aurait pu l’inciter à n’accepter d’être qu’un éminent soutien.

Et puisqu’il a eu l’élégance de remettre sa responsabilité de président de l’Assemblée nationale en jeu devant les membres de son groupe, je veux dire ici qu’il conserve toute ma confiance pour continuer d’exercer cette haute mission, avec le talent que peu lui contestent, au sein de la majorité comme de l’opposition, depuis juin 2012.

Restent les leçons de ces deux derniers dimanches.

Faut-il, comme certains le prétendent, « réactiver » le clivage gauche/droite ?

S’agissant du redressement de la situation financière de la France entrepris depuis juin 2012, de la refondation de l’école de la République, de la préservation de notre modèle social, de la lutte contre les inégalités et de beaucoup d'autres choses encore, il faut assurément mieux faire partager à nos compatriotes la différence réelle qui existe entre gauche et droite de gouvernement.

Il nous faut aussi poursuivre et amplifier les réformes entreprises, dont on voit bien que les effets positifs sont encore insuffisants pour être perçus à la hauteur de ce qu’ils représentent déjà vraiment. Mais relancer le sempiternel débat sur le changement de ligne n'apporterait rien d'autre que les affaiblissements collectifs que nous nous sommes déjà infligés depuis le début de cette législature. Si l'on veut tirer tous les enseignements d'un scrutin, force est de constater, comme vient de l'écrire mon ami Jean-Jacques Urvoas, que pour la gauche de la gauche, les urnes ont plutôt été funéraires.

Je ne crois pas, non plus, qu’il faille tomber dans l’affrontement permanent. Les Français n’en peuvent plus d’un débat politique dont ce qu’on leur montre se résume la plupart du temps à un pugilat verbal. Pour avoir cédé à ce travers depuis sa défaite de 2012, en faisant preuve d’une totale mauvaise foi sur son bilan, en assurant la promotion irresponsable de chaque difficulté, en manquant bien souvent de hauteur, la droite a donné un sentiment de revanche qui ne lui a pas permis de capitaliser pleinement l’insatisfaction qui frappe toujours ceux qui ont en charge les affaires de l’Etat. En mettant trop ses pas dans ceux de l’extrême droite, elle n’est parvenue qu’à légitimer le discours démagogique du clan Le Pen aux yeux de beaucoup d’électeurs. 


En s’en tenant quelques fois à des postures d’un autre temps, la gauche n’a pas davantage échappé au travers d’un manichéisme qui fatigue ceux qui ne baignent pas dans le débat politique, mais vivent un quotidien empli de difficultés ou tout simplement d’aspirations contrariées.

Si nous voulons ramener ces citoyens dans le champ démocratique, il faut certes dire ce qui fait différence entre la droite et la gauche, mais aussi accepter ce qui nous rassemble face à l’extrême droite et surtout en terminer avec les querelles de bas niveau.

Faut-il, comme d’autres le proposent, changer profondément nos institutions ou nos modes de scrutin, dans le but de permettre une « meilleure représentation » de la population française ?

En premier lieu, imaginer qu’il existe de système qui permette de remplir pleinement cet objectif me semble une chimère. L’illusoire pourrait même s’avérer dangereux. En effet, dans un monde fait de menaces et de mutations, la France, comme toutes les grandes démocraties, a avant tout besoin d’être gouvernée.

Et de ce point de vue, au risque d’être politiquement incorrect aux yeux de beaucoup, la solidité des institutions de la Ve République -pensées en d’autres temps par le général de Gaulle, mais qui ont fait preuve depuis 1958 de leur grande plasticité- me semblent présenter bien davantage d’atouts que d’inconvénients. Quant au scrutin majoritaire à deux tours, il permet aux élus d'être choisis, non par les instances des partis, mais par une majorité d'électeurs. Il contribue à l'indispensable stabilité d'un gouvernement, pour la durée de son mandat. Les alliances qui sont nouées le sont avant le premier tour, accessoirement avant le second, au vu et au su des citoyens, préalablement à leur vote, quand la proportionnelle pousse aux coalitions de circonstance et d'arrière boutique, qui ont fait le poison de la IVe République, en pleine crise de la décolonisation. Changeons donc résolument nos pratiques, plutôt que de prôner un retour en arrière pour nos institutions et pour le mode de désignation de nos parlementaires !

Pour en terminer, je veux citer de nouveau cette phrase de Jaurès : « C’est à nous de fatiguer le doute du peuple, par la persévérance de notre dévouement ». Elle m’a souvent aidé quand les choses n’étaient pas faciles. Elle prouve aussi que le problème n’est pas nouveau !


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