lundi 25 juillet 2016

Ne jouons pas avec l'Etat de droit


Je veux aujourd'hui partager une tribune publiée par mon ami Jean-Jacques Urvoas, Garde des Sceaux et ministre de la Justice.

A ses côtés dans l'hémicycle dans la nuit de mardi à mercredi dernier en tant que rapporteur du projet de loi prorogeant l'état d'urgence consécutivement à l'attentat de Nice, chargé de répondre avant le gouvernement au nom de la Commission des lois aux mêmes interpellations d'une partie des députés de l'opposition, j'ai ressenti la même chose que lui. Ses mots auraient donc pu être les miens.

Je tiens aussi à dire que l'expression de ce ressenti ne remet en rien en cause la qualité du travail juridique que j'ai pu mener avec mon homologue du Sénat, qui n'appartient pas à ma famille politique, mais qui est, tout comme moi, attaché aux valeurs de la République, ce qui nous a permis de trouver un accord entre les deux chambres pour voter cette loi, dans des termes identiques et conformes à notre droit.
 

"Je n'ai pas aimé les débats qui se sont tenus à l’Assemblée nationale durant la nuit de mardi à mercredi dernier. Pour la première fois depuis que j’ai pénétré dans cet hémicycle en 2007, je m’y suis senti mal à l’aise. Il m’a semblé qu’un point de bascule s’y était produit, une limite venait d’être franchie, que quelque chose venait de rompre.

Les députés étaient réunis pour débattre et décider de la prolongation de l’état d’urgence. L’enjeu était important et le moment solennel comme en témoignait le nombre des parlementaires présents durant tous les échanges qui durèrent jusqu’à 5 heures du matin. La tension était vive, les paroles souvent fortes, les interpellations parfois excessives marquant ainsi, sans doute, la résonance de l’émotion qui a étreint le pays depuis le carnage de Nice.


J’avais – hélas – déjà ressenti une telle ambiance lourde. Les murs de cette noble enceinte gardent de nombreuses traces, y compris durant l’actuelle législature, d’attaques outrancières et de philippiques rageuses. Mais pourtant cette nuit-là fut différente.

En effet, pour la première fois, c’est le cadre même de nos débats qui a été moqué. Ce sont les fondements de notre vie publique qui ont été méprisés, les règles qui garantissent la paix publique qui ont été contestées.

Ainsi cherchant à réfuter avec rigueur des amendements déposés par l’opposition, j’ai été confronté à une franche, déterminée et sourde hostilité. Voulant expliquer qu’à mes yeux, les propositions avancées étaient manifestement entachées d’inconstitutionnalité, une puissante bronca s’est immédiatement élevée dans les rangs des députés conservateurs qui grondèrent avec colère « Et alors ? ». Spontanément, venus de nombreux bancs, les mêmes mots étaient rageusement choisis pour contester la force jusque-là partagée de la norme constitutionnelle.


Cela n’aurait pu rester qu’un incident, un égarement explicable par l’âpreté des débats. Mais la même dureté se répéta à chaque fois que je me référais à la jurisprudence de notre Cour suprême ou à celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Les bornes du droit que j’avançais étaient ainsi systématiquement, presque brutalement, rejetées comme illégitimes.

Foin du droit, voulaient-ils me dire, foin même de la constitution, les circonstances exceptionnelles exigent selon eux une exception aux principes fondamentaux garantis par notre constitution… C’est cette transgression qui m’a heurté et laquelle je veux répondre.

Résister, ce n’est pas se renier. C’est au contraire, dans l’épreuve, réaffirmer avec force à la face du monde que nous ne consentirons jamais, quelles que soient les circonstances, à brader les principes intangibles qui fondent notre système démocratique.


Cette nuit-là, j’ai pensé au Royaume-Uni qui, seul, en 1940-1941, soumis au bombardement quotidien de ses villes, sut s’opposer avec succès à la coalition des totalitarismes nazi, soviétique et japonais, sans jamais renoncer à l’Etat de droit.

La droite française est-elle à ce point désemparée pour que le joyau que les britanniques sont parvenus à préserver dans un contexte autrement plus dramatique constitue pour elle un obstacle rédhibitoire dont la pression des événements exige la levée ? Quel aveu de faiblesse ce serait et quel triomphe, surtout, pour nos ennemis !

Nourrie de la conviction que la sécurité de nos concitoyens doit prévaloir sur toute autre considération, « Les Républicains » s’affranchissent de toutes les règles juridiques forgées par des années de respect du cadre constitutionnel et conventionnel.

Ils veulent par exemple, sur décision administrative, « placer dans un centre fermé ou assigner à résidence avec un bracelet électronique pour une durée qui devra être portée à trois mois » « tous ressortissant français ayant des connexions, directes ou indirectes, avec un groupe terroriste ».

Ils en oublient ainsi les enseignements de l’histoire qui conduisent immanquablement à se défier de telles options, aussi séduisantes puissent-elles fugacement apparaître à certains. Sous l’ancien régime, le recours immodéré aux lettres de cachet a contribué à déchaîner la libératrice révolution française. Pareillement, les lois des suspects adoptées sous la terreur jacobine (1793) et sous Napoléon III (1858) auront durablement flétri ces périodes de notre histoire. Ne se rendent-ils pas compte que décider de la dangerosité supposée, sur la base de la seule volonté du prescripteur, ouvre la porte à toutes les dérives ?


La colère obstrue le raisonnement et l’émotion éteint la conscience. Mais je crains que les expressions publiques de nombreux responsables de l’opposition ne s’expliquent pas ainsi. Les dénigrements contre les contraintes posées par la constitution révèlent en réalité une plus grande confiance dans la force que dans le droit. Et de tels expédients ne font honneur ni à ceux qui proposent d’y recourir, ni aux peuples qui accepteraient de les tolérer. Ils sont, de surcroît, parfaitement inopérants, voire contreproductifs et ne servent au final que les intérêts de ceux qui prétendent nous terroriser.


Dans une démocratie moderne qui ne peut se conjuguer qu’avec l’État de droit, c’est-à-dire un système institutionnel dans lequel les pouvoirs publics sont soumis au droit, c’est la hiérarchie des normes juridiques qui garantit la protection des citoyens. Les décideurs ne peuvent agir qu’en conformité avec ces normes, afin d’éviter que le bon plaisir des uns ou les peurs des autres remplacent l’autorité de la loi. Faire de l’arbitraire un guide pour l’action, c’est omettre qu’il s’agit d’une arme dont le grand nombre de tranchants coupera fatalement les doigts de ceux qui la manient.


L’Etat de droit et la démocratie, les fondements même de la République, voilà ce que veulent abattre les terroristes. La responsabilité politique face à cette pression, c’est de maintenir coûte que coûte ce précieux bien commun, la racine même du vivre ensemble.


L’histoire démontre que ceux qui cèdent aux sirènes du populisme dans ces périodes sombres nous ont conduits au désordre et au chaos. Alors aujourd’hui comme hier, ne cédons pas sur nos valeurs, ne cédons pas sur l’Etat de droit, ne cédons pas sur la République.
"

vendredi 22 juillet 2016

Sécurité et lutte contre le terrorisme : ce qui nous avons fait depuis 2012




Le terrorisme a une nouvelle fois meurtri notre pays, à Nice, à l’occasion de la fête nationale, qui incarne plus que tout autre jour les valeurs de liberté sur lesquelles se sont fondées notre démocratie et notre société.

Dans ce contexte et parce que cette tragédie confirme l’ampleur de la menace qui pèse sur nos intérêts et notre intégrité, l’opportunité de prolonger le régime juridique de l’état d’urgence -décrété initialement par le président de la République dès après les attentats du 13 novembre et prorogé successivement depuis par le parlement- s’est imposée. Même si cette légalité d’exception ne suffit pas, à elle seule, à prévenir la survenue de toute nouvelle attaque, elle demeure, dans la période difficile que nous traversons, un complément utile et nécessaire aux mesures de droit commun.

Les moyens supplémentaires qu’elle confère aux autorités garantissent en effet davantage d’efficacité et de célérité dans les investigations qui sont conduites pour remonter la trace de nos ennemis. Ils contribuent à mettre hors d’état de nuire certains individus dont un ensemble convergeant d’éléments portent à croire qu’ils constituent une menace pour la sécurité. Ainsi l’état d’urgence autorise-t-il, par exemple, sous certaines conditions, les assignations à résidence (832 personnes relèvent à ce jour de cette mesure), l’interdiction de séjour (qui a été utilisée depuis novembre 2015 à 540 reprises), le blocage de sites internet faisant l’apologie du terrorisme ou encore la dissolution d’associations ou groupements.

La loi votée par le parlement cette semaine pour en prolonger l’application sur une durée de six mois, rétablit en outre la possibilité de procéder à des perquisitions administratives, c’est-à-dire ordonnées par le préfet, tout en créant un régime de saisie des données et des matériels informatiques lors de ces perquisitions, dont l’encadrement juridique posait jusqu’ici problème. C’eut été à mon sens une faute, compte-tenu des circonstances nouvelles créées par l’attentat de Nice, de se priver de ces outils, que les autorités ont, par ailleurs, su utiliser avec discernement et modération ces derniers mois.

Rapporteur une nouvelle fois de ce texte à l’Assemblée nationale, ma conduite a été guidée par une unique préoccupation : apporter les meilleures réponses possibles au péril qui nous fait face. Voilà pourquoi, sans vouloir raviver d’inutiles polémiques, je veux exprimer mes regrets pour l’image déplorable et indigne, en ces temps de deuil national, que certains responsables publics, davantage animés par de bas calculs politiciens que par le souci de la responsabilité dans leurs commentaires. Ces postures détestables, ces outrances dangereuses et mensongères, tranchent avec la qualité et le sérieux du travail que j'ai pu accomplir avec mon collègue rapporteur du Sénat, pourtant membre de l'opposition, dans des conditions de temps qui exigeaient sang-froid et rigueur.
Le devoir de vérité et de sincérité étant, à mes yeux, une exigence à laquelle tous les responsables politiques devraient se tenir, je veux rappeler ici quelques éléments du combat dans lequel nous sommes engagés, dans la durée, en matière de lutte antiterroriste.

Le premier tient de l’évidence. Laisser entendre qu’il est possible de prémunir notre société de toute nouvelle attaque, au moyen d’autres décisions que celles prises par le gouvernement, revient à mentir aux Français. Le risque zéro n’existe pas et il existe d’autant moins s’agissant d’une menace dont il faut rappeler qu’elle change sans cesse de visage, innove avec constance dans ses modes opératoires, a recours à des auteurs aux profils de plus en plus insaisissables.

Le deuxième élément d’information que je souhaite apporter ici concerne le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, à l’élaboration desquels j’ai étroitement participé dès le début du quinquennat. Pour avoir été l’un des acteurs de l’édification de l’ensemble des textes soumis au parlement sur les questions de sécurité et de terrorisme, j’affirme aujourd’hui en conscience que tout ce qui est permis par les principes supérieurs de notre droit a été mis en œuvre pour prévenir et combattre le risque d’attaque.

Depuis 2012, trois lois renforçant nos dispositifs de lutte contre le péril terroriste, afin de les adapter aux nouvelles méthodes de nos agresseurs, ont été adoptées, à une très large majorité d’ailleurs.

La dernière en date, promulguée le 3 juin 2016, que j’ai eu l’honneur de rapporter au nom de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a mis en place de nouveaux instruments légaux à la disposition des magistrats et des enquêteurs pour leur assurer davantage d’efficacité dans ce combat. Je pense, par exemple, aux perquisitions domiciliaires de nuit qui peuvent être désormais ordonnées par un juge en matière terroriste, au renforcement des contrôles d’identité et de fouille des bagages ou encore à la création d’une retenue administrative de quatre heures visant des individus signalés dans les fichiers de la police au plan national ou international.

La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, pour laquelle je fus le porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a redonné à nos services les moyens de fonctionner correctement -après que la précédente majorité en ait totalement détricoté l’organisation- ainsi qu’un cadre juridique d’intervention clairement déterminé, qui faisait jusqu’alors défaut.

Au-delà de ces évolutions législatives, le gouvernement s’est saisi de toutes les mesures administratives de droit commun à sa disposition pour contenir les risques d’agressions auxquels nous sommes confrontés.
229 personnes ont par exemple fait l’objet d’une interdiction administrative de sortie du territoire (mesure rendue possible par le loi du 13 novembre 2014), 64 personnes (notamment des individus présents dans la zone syro-irakienne) ont fait l’objet d’un arrêté d'expulsion.

Puisque personne ne semble le savoir et que certains continuent de le réclamer, alors qu’il existe, je veux aussi indiquer que contrôle aux frontières, rétabli dès avant les attentats de novembre 2015, a permis le contrôle de 48 millions de personnes à nos frontières terrestres, maritimes et aériennes, ce qui a donné lieu à 28 000 décisions de refus d’entrée sur le territoire.


Lutter contre le terrorisme, c’est aussi se donner les moyens financiers et humains de combattre tous les phénomènes de délinquance, quels qu’ils soient. C’est la raison pour laquelle, à rebours des décisions de la droite entre  2007 et 2012 -qui s’étaient notamment traduites par la suppression de 13 700 postes de policiers et de gendarmes- nous avons fait le choix politique, dès 2012, de récréer sur cinq ans les postes perdus en relançant le processus de formation et de recrutement de policiers et de gendarmes. Au-delà de ces recrutements, nous avons augmenté les moyens budgétaires de nos forces de 17 % en quatre ans, quand ils avaient été diminués d’un niveau équivalent par nos prédécesseurs.


Rappelant cela, en tant que rapporteur des crédits de la mission « sécurités » du budget de l’Etat, je ne veux participer à aucune polémique, mais simplement exposer des faits, qui semblent ignorés du plus grand nombre.

mercredi 13 juillet 2016

Le changement dont personne ne parle



La pénibilité au travail est une véritable source d’inégalités. Maladie professionnelle, inaptitude, espérance de vie raccourcie sont autant de raisons d’agir pour une plus grande équité entre les travailleurs.

C’est dans cet esprit de justice sociale, marqueur de la gauche, que le gouvernement et la majorité parlementaire ont mis en place un nouvel outil tout à la fois efficace et pertinent : le Compte personnel de prévention de la pénibilité, introduit dans le cadre de la réforme des retraites de janvier 2014 et dont l’application concrète, engagée dès le 1er janvier 2015, a franchi une nouvelle étape le 1er juillet 2016.

La pénibilité du travail n’était pas ou mal prise en compte dans les modalités de départ et de calcul des droits à la retraite. Le compte prévention pénibilité y remédie.

Cette mesure pragmatique concerne tous les salariés du privé. Elle permet notamment à toutes les personnes dont l’état de santé s’est dégradé en raison d’une activité professionnelle de s’y soustraire, au moyen d’une formation, d’un temps partiel, ou d’un départ anticipé à la retraite. Elle accorde des bonifications de trimestre dans le calcul des droits à la retraite.

Plusieurs critères sont pris en compte dans le calcul des droits au compte pénibilité. Les travailleurs de nuit peuvent, par exemple, en bénéficier s’ils comptent au moins 120 nuits de travail par an. Les personnes en charge de manutentions manuelles lourdes, ainsi que celles travaillant à proximité de vibrations mécaniques ou d’agents chimiques dangereux engrangent aussi des points.

Mesure emblématique de la loi travail, injustement passée sous silence, le Compte personnel d’activité (CPA) qui sera effectif dès le 1er janvier 2017, regroupera en son sein le compte pénibilité, les droits à la formation ou encore les droits aux congés payés. Le CPA constituera ainsi un outil permettant aux salariés entrant sur le marché du travail d’avoir un point d’accès unique à tous les droits qu’ils auront acquis durant leur carrière.

Avec le compte pénibilité intégré dans le CPA, nous avons ouvert des droits nouveaux, qui constituent un progrès considérable du droit et du modèle social français. Personne ne semble prendre la mesure de ce changement. Comme pour d’autres réformes entreprises par la gauche au cours de précédentes législatures, l’histoire nous en donnera acte. Il serait toutefois bon pour eux-mêmes que nos compatriotes n’attendent pas si longtemps !

vendredi 8 juillet 2016

Après le Brexit


Jeudi 23 juin dernier, une majorité d’électeurs du Royaume-Uni a fait le choix de quitter l’Union Européenne.

Cet événement nous rappelle que la construction européenne n’est pas acquise.

Que cette construction dépend de notre volonté de travailler ensemble pour édifier une Europe meilleure.

Notre futur repose sur notre capacité à nous rassembler, autour de ce qui fait notre force. Comme l’a exprimé Manuel Valls, lors de son discours devant l’Assemblée nationale le 28 juin dernier, « l’Europe c’est une culture. C’est une histoire commune. C’est la démocratie ». C’est aussi, ne l’oublions jamais, la paix sur notre continent depuis plus de 70 ans.

La décision des Anglais nous pousse, encore davantage qu’hier, à comprendre l’échec du projet européen. Elle nous pousse à le redéfinir, à le refonder. Ma conviction est qu’il est de notre devoir d’éclairer et de montrer le chemin.

La France, en tant que membre fondateur de l’Union européenne, se doit de montrer l’exemple.

Avec ses homologues allemand et italien, François Hollande a plaidé pour un divorce en « bon ordre ». En effet, la réaction de l’Europe face à cette crise doit être ferme. Le Royaume-Uni doit activer l’article 50 -qui régit le départ d’un pays membre-  au plus vite. Car l’Europe a besoin plus que jamais de clarté.

Cette fermeté n’est pas synonyme de punition. Le peuple britannique, souverain, a fait son choix et chacun se doit de le respecter. Le Royaume-Uni restera un partenaire privilégié de l’Union et de la France. L’histoire ne saurait oublier qu’elle a combattu et résisté à l’ennemi nazi pour redonner leur liberté aux peuples européens.

Mais puisqu’il a décidé de se détacher, pour continuer seul son propre chemin, il doit en assumer les conséquences.

Chacun d’entre nous a vocation par ailleurs à réfléchir à ce qu’être européen signifie. Il est de notre responsabilité à tous d’œuvrer pour que l’Europe continue de faire l’histoire. Le soutien populaire reste la condition indispensable à la viabilité de l’Union. Il n’est aujourd’hui plus acquis.

J’ai conscience que l’Europe se fera avec les peuples, ou se disloquera. Ce serait, à mes yeux, une grave faute. Il y a donc urgence à la réformer.

Il serait responsable que, pour une fois, cette question soit au centre du débat politique des élections nationales prévues en France l’année prochaine.

mercredi 29 juin 2016

A propos de la loi travail


Le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, plus connu sous le nom de "loi travail" ou "loi El Khomri", défraye la chronique depuis plusieurs mois.

Sans revenir sur ce que j'ai déjà écrit ici sur le sujet, l'actualité de ce texte est qu'il vient d'être adopté hier par la majorité de droite du Sénat, dans une version qui n'a plus rien à voir avec celle qui résultait des discussions avec les partenaires sociaux ayant conduit à une profonde évolution du texte adopté par le Conseil des ministres fin mars, puis des discussions entre le gouvernement et la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale qui avaient permis l'intégration de plus de 700 amendements élaborés par les députés, préalablement à l'engagement de la responsabilité de l'exécutif au titre de l'article 49-3 de la constitution.

Il m'a donc semblé utile de présenter ici, de manière synthétique, les grandes différences entre le texte d'un gouvernement et d'une majorité de gauche (même si j'ai parfaitement conscience que certains contestent bruyamment ce positionnement politique) et celui qui pourrait résulter des choix d'un gouvernement et d'une majorité de droite, telle qu'elle n'existe aujourd'hui qu'au Sénat.

N'en déplaise à ceux qui, depuis le débat du quinquennat, instruisent à l'envi le procès en trahison de la gauche de gouvernement, c'est en effet dans cette alternative -et dans aucune autre, qui n'a pas la moindre chance de se traduire majoritairement dans les urnes en France, comme elle n'a émergé nulle part ailleurs chez nos voisins- que devra s'inscrire le choix des Français, lors des élections nationales de 2017 qui engageront les choix politiques de notre pays pour cinq années. Sur la loi travail, comme sur le reste, il serait donc opportun que chacun mesure les véritables enjeux...


vendredi 24 juin 2016

Agir contre les abus des travailleurs détachés




Le travail illégal est un vol contre notre système de protection sociale et une négation des droits de ceux qui travaillent. Il constitue une violation de l’Etat de droit, qui a pris de l’ampleur au cours des dernières décennies et représente un véritable fléau pour la société et l'économie.

Tels sont les éléments que le Premier ministre Manuel Valls a eu à cœur de rappeler, le 30 mai dernier, pour réaffirmer l’engagement résolu du gouvernement et de la majorité dans la lutte cette fraude.

Une des principales formes qu’elle prend aujourd’hui concerne la fraude au détachement. Selon des règles de l’Union européenne, un travailleur détaché est « un salarié envoyé par son employeur dans un autre État membre, en vue d’y fournir un service à titre temporaire ».

Nombreuses sont toutefois les dérives et les détournements de cette procédure qui sont régulièrement constatés. Ces manquements au droit remettant en cause la pérennité de ce système. Voilà pourquoi le gouvernement a décidé d’agir pour endiguer sa progression.

La loi de juillet 2014 relative à la concurrence sociale déloyale, ainsi que celle d’août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron » ont constitué des avancées majeures pour lutter contre la fraude au détachement. La loi travail, dite « Loi El Khomri » représentera un nouvel outil efficace, en rendant obligatoire la déclaration systématique de ces travailleurs et en renforçant de l’efficacité des contrôles.

Ce combat ne saurait néanmoins être mené seulement au plan national. Il doit être partagé par tous les pays membres, ainsi que par les instances européennes. A l’initiative de la France, un travail ambitieux a été engagé, afin d’obtenir des régulations plus strictes et de mieux contenir les abus relatifs au détachement. Une réflexion sur la modification de la directive européenne de 1996, qui ne répond plus aujourd’hui à la réalité des mouvements de travailleurs dans l’espace européen, a également été amorcée.

C’est forts de cette action conjointe et coordonnée, que les gouvernements nationaux -dont le nôtre- pourront agir avec plus d’efficacité dans ce domaine. Toujours sur proposition de notre pays, un nouvel outil de régulation, « la plateforme européenne contre le travail non déclaré », auquel tous les pays sont tenus de participer, a été mis en place.

Grâce à cette mobilisation, le principe du détachement pourra rester une chance et une opportunité pour les travailleurs et les employés qui souhaiteront s’en saisir afin de développer leur activité. La lutte contre la fraude sera, quant à elle, amplifiée pour garantir à tous des conditions de travail dignes et respectables et pour en terminer avec le dumping social qu’il engendre trop souvent.

dimanche 19 juin 2016

L'emploi de mes frais de mandat


Il y a quatre ans, le 20 juin 2012, débutait mon mandat de député. Comme je m’y étais engagé avant mon élection et comme je l’ai déjà fait au terme de mes trois premières années de mandat, je publie de nouveau, à la date anniversaire de cette prise de fonction, l’emploi auquel j’ai consacré, durant des douze derniers mois, l’Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), qui m’a été allouée comme à chacun de mes collègues. 

Aucune disposition ne m’en fait l’obligation. Il me semble cependant normal, s’agissant d’argent public destiné à remplir une mission élective, que ceux qui le perçoivent rendent des comptes sur ce qu'ils en font.

Qu'est ce que l'IRFM ?


Parce que la démocratie a un coût et que les élus ont besoin de moyens pour remplir convenablement leurs missions, l'IRFM est allouée à chaque parlementaire, au même titre que les élus locaux disposent de lignes de crédits dans les budgets des collectivités territoriales, pour faire face à ce type de dépenses.

Selon les documents qui m’ont été remis par les services de l’Assemblée nationale lors de ma prise de fonction, « l’IRFM est destinée à couvrir l’ensemble des frais afférents à l’exercice du mandat, qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés par l’Assemblée et la partie de la rémunération des collaborateurs qui excède le crédit alloué spécifiquement à cet effet ». 

Une instruction du Bureau de l’Assemblée nationale a apporté, le 18 février 2015, quelques précisions en actant l’interdiction de procéder désormais à l’acquisition de bien immobilier au moyen de l’IRFM, qui ne peut être employée qu’à des frais liés à la location ou au fonctionnement d’une permanence parlementaire, à l’hébergement, aux frais de transport du député et de ses collaborateurs, à des dépenses de communication, de représentation et de réception, ainsi que de formation.

Depuis cette date, chaque député est aussi tenu d’adresser tous les ans au Bureau une déclaration sur l’honneur de l’usage conforme à ces règles qu’il a fait de cette indemnité. En cas d’anomalie, le président de l’Assemblée nationale peut saisir le déontologue de l’institution.


Comment est perçue l'IRFM et quel est son montant ?


Afin de créer les conditions de nature à éviter tout mélange entre dépenses personnelles et dépenses liées à l’exercice du mandat, l’IRFM est versée par les services financiers de l’Assemblée nationale à chaque député sur un compte bancaire obligatoirement spécifique et exclusivement dédié à cet objet. En application du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, chaque parlementaire est seul responsable de l’usage qu’il en fait.

Réduit de 10 % depuis le 1er janvier 2013 à l’initiative de Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, dans le cadre des efforts de redressement des comptes publics, le montant de l’IRFM (qui n’a pas été revalorisé depuis) est de 5 308,40 € nets mensuels.

Entre le 20 juin 2015 et le 19 juin 2016, j’ai donc perçu, pour faire face à mes frais de mandat, une somme totale de 63 700,80 €.

A quel usage ai-je employé l’IRFM durant ma quatrième année de mandat ?


Les différents postes de dépenses, utilisés depuis le début de mon mandat pour présenter ce bilan, se décomposent de la manière suivante :

- dépenses liées au fonctionnement de la permanence parlementaire : 18 638,95 € (30,5 %) ;

- dépenses de représentation : 17 136,60 € (28,1 %) ;
- dépenses liées à l’information des habitants de la circonscription : 15 624,57 € (25,6 %) ;
- dépenses liées à l’hébergement : 4 186,97 € (6,8 %) ;
- dépenses liées à des rémunérations annexes : 2 908,20 € (4,8 %) ;
- dépenses liées aux déplacements du député : 2 556,16 € (4,2 %).

Soit un total de dépenses de 61 051,45 €, qui fait apparaître un résultat annuel disponible de 2 649,35 €.


A quoi correspondent les dépenses liées au fonctionnement de ma permanence parlementaire ?

La location, auprès d’un propriétaire privé, de locaux d’une quarantaine de mètre-carrés, représente la principale dépense de ce poste (40,6 %), suivie par les frais d’équipement, fournitures et consommables (39,5 %), les frais d’entretien (10 %), les assurances (ce montant englobe aussi celle du véhicule qui relève du même contrat) et la télésurveillance (9,9 %).

Pour mémoire, ma permanence parlementaire est située 5 avenue Firmin-Didot à Livry-Gargan. Elle est ouverte aux habitants de la circonscription du lundi au vendredi de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 16 heures (sauf le mercredi après-midi).

A quoi correspondent les dépenses de représentation ?


Il s’agit, pour l’essentiel, de l’organisation au cours des 365 jours écoulés de 80 réceptions, petits déjeuners, déjeuners ou dîners de travail (concernant 48 à 2 personnes) à l’Assemblée nationale, à proximité ou dans la circonscription (72,3 %). La participation ou le soutien (au moyen de mise à disposition de prix ou lots de tombola, d’abonnements à des publications, etc.) à des initiatives caritatives ou associatives (18,2 %), ainsi que les frais liés à la participation à des cérémonies patriotiques ou à des obsèques (9,5 %) complètent les dépenses agrégées dans ce poste.

A quoi correspondent les dépenses liées à l’information des habitants ?


Elles couvrent en principal les coûts de conception et d’impression (57,5 %), puis de distribution (35,4 %) des deux lettres annuelles que j’ai publiées et diffusées en janvier et en mai dans les 55 000 boîtes aux lettres des six villes de la circonscription, afin de rendre compte chaque semestre de la manière dont j’exerce mon mandat. Les frais liés au fonctionnement et à la maintenance du site internet pascalpopelin.fr et de ses outils annexes représentent les 7,1 % restants de ce poste.


A quoi correspondent les dépenses d’hébergement du député ?


Les députés élus des circonscriptions de l’agglomération parisienne disposent d’un bureau au Palais-Bourbon qui n’est pas aménagé pour que l’on puisse y dormir. Ils ne bénéficient pas non plus d’une possibilité de prise en charge de nuits d’hôtel par l’Assemblée nationale, à la différence des députés élus des autres départements d’Ile-de-France, des autres régions métropolitaines ou des Outre-mers.


L’intensité du travail parlementaire, avec des séances de nuit se terminant parfois au-delà d’une heure du matin, quand les premières réunions du lendemain reprennent à 8h30 ou 9 heures, justifie que je dorme ponctuellement (28 nuits durant la période écoulée), soit à la résidence hôtelière de l’Assemblée, soit -quand celle-ci est complète, ce qui est le cas le plus fréquent- dans un des hôtels situés à proximité.

A quoi correspondent les dépenses liées à des rémunérations annexes ?


La rémunération de mes trois assistantes parlementaires (deux à la permanence parlementaire et une au Palais-Bourbon) est assurée directement par l’Assemblée nationale, dans la limite du crédit spécifique directement alloué à cet effet à chaque député, que je ne dépasse pas.

Les rémunérations annexes concernent donc ma contribution aux dépenses des personnels communs mis ponctuellement à la disposition de tous les députés du groupe SER (socialiste, écologiste et républicain) pour le travail législatif (82,5 %) et la rémunération d’une stagiaire pour une durée résiduelle d’un mois durant la période considérée (17,5 %).

A quoi correspondent les dépenses liées aux déplacements du député ?


Compte-tenu de la configuration de la circonscription, de sa desserte avec l’Assemblée nationale et des horaires de fin des séances de nuit, j’ai opté pour l’usage d’un véhicule particulier de type Clio acquis en juillet 2012 (étant entendu que je dispose d’un véhicule familial personnel, non financé par l’IRFM, pour mes déplacements privés).

Au titre des trajets circonscription/Assemblée et à l’intérieur de la circonscription, j’ai parcouru 10 450 km durant la période considérée.

Les frais de carburant, de lavage et de stationnement (56,3 %), ainsi que les frais d’entretien (43,7 %) correspondent aux dépenses agrégées dans ce poste, l’acquisition du véhicule étant amortie depuis le mois de février 2014.


L’emploi que je fais de l’IRFM est ainsi strictement lié à l’exercice de mon activité parlementaire, que je m’efforce de déployer avec le plus d’efficacité et de sérieux possible, en toute transparence, au service des habitants de Clichy-sous-Bois, Coubron, Livry-Gargan, Montfermeil, Le Raincy et Vaujours.

J’en tiens une comptabilité précise, étayée à l’euro près par des justificatifs explicites, qui sont à la disposition du déontologue, des questeurs et du Bureau de l’Assemblée nationale autant que de besoin.