mardi 9 septembre 2014

Le paradoxe de la transparence


Tout médecin vous le dira : ce n'est pas parce que l'on renforce les procédures de dépistage qu'une population se porte moins bien. Elles contribuent, au contraire, à l'amélioration de l'état de santé général.

Il en va de même pour notre vie publique. Alors que de nombreuses lois ont amplement contribué à la moralisation du fonctionnement de notre démocratie, que jamais les moyens de lutte contre tous les manquements possibles des acteurs de notre vie politique n'ont été aussi bien organisés, les Français sont chaque jour davantage confortés -à un niveau de plus en plus préoccupant- dans l'idée, qui n'est pas nouvelle, selon laquelle leurs élus seraient tous corrompus. 

Ce décalage entre la moralisation constante de la vie politique et la conviction du plus grand nombre de nos concitoyens que les responsables -qu'ils sont de moins en moins nombreux à élire- n'ont jamais été aussi peu dignes de confiance, laisse songeur.

Avant 1988, aucune règle n'encadrait le financement des campagnes électorales et des partis politiques. C'était il y a seulement vingt-six ans.

Avant 1992, les élus locaux fixaient librement le montant de leurs indemnités et de leurs avantages, qui n'étaient pas imposables. C'était il y a seulement vingt-deux ans.

En 1995, le Conseil constitutionnel n'a pas osé remettre en cause les comptes de campagne des deux principaux candidats de droite à l'élection présidentielle. C'était il y a seulement dix-neuf ans. Il fallut attendre l'année dernière pour qu'il le fasse.

Avant la loi du 11 octobre 2013, sur l'élaboration de laquelle j'ai eu l'honneur de travailler et que j'ai votée avec tous les députés de gauche -quand l'essentiel de nos collègues de droite la combattait- aucun moyen réel de contrôle n'existait pour identifier et mettre un terme aux situations éventuelles de conflit d'intérêt ou d'enrichissement personnel indu, durant un mandat électif.

C'est parce que cette loi est efficace, parce que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique que nous avons créée dispose des moyens lui permettant d'agir en toute indépendance, mais aussi parce que la justice n'est plus entravée, que les auteurs d'indélicatesses, immédiatement sanctionnés, se retrouvent à la une de l'actualité. 

Les fautifs ne bénéficient plus d'aucune mansuétude, ce qui est une nouveauté tout aussi récente que saine. Et la loi oblige désormais tout détenteur d'une responsabilité publique importante à davantage de contraintes que tout autre citoyen, pour faire la preuve de sa probité.
 
Malgré tout, l'opprobre est là.

Sans doute résulte-t-elle d'une confusion sur le sens de ce que doit être la République exemplaire. La République exemplaire, ce ne peut être -parce que l'Homme est ainsi fait- une somme de personnes toutes exemptes du moindre reproche. Qui peut avoir l'immodestie de croire l'être, en chaque circonstance et à chaque instant ? Non, la République exemplaire, c'est une démocratie qui se donne les moyens de détecter les manquements, d'y mettre fin et d'en éloigner les auteurs.

C'est ce que fait cette majorité, avec autant de courage que de détermination. Il nous reste à en convaincre le plus grand nombre, ce qui n'est pas le moindre de nos défis. Il en va, j'en suis convaincu, de l'avenir de notre démocratie.

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