lundi 14 septembre 2009

Les dessous du Grand Paris de M. Sarkozy


Lors du discours qu'il prononça le 29 avril dernier, le président de la République s'était voulu rassurant, indiquant sa volonté de travailler sur l'avenir du Grand Paris en concertation avec tous les élus locaux de ce territoire. Le projet de loi que le gouvernement élabore actuellement et qui commence à circuler est bien loin de cette déclaration d'intention.

Il semble bien que les ambitions affichées soient oubliées. Les propositions des architectes pour le développement du territoire francilien ne sont plus au coeur du sujet. Rien n'est esquisé pour restaurer la qualité de vie de quartiers qui en sont aujourd'hui dépourvus. Rien non plus sur la lutte indispensable contre les inégalités sociales et fiscales. En fait, c'est toute l'ambition urbaine qui est balayée dans l'actuel projet du gouvernement. La seule préoccupation semble être d'instaurer en Ile-de-France et particulièrement dans la petite couronne parisienne un régime juridique d'exception, sans équivalent dans les autres régions françaises.

Sous couvert de réorganisation, le but non avoué apparaît de manière de plus en plus clair : la droite n'admet pas que les électeurs aient confié à la gauche la direction des principales collectivités du territoire : Conseil régional, ville de Paris, 6 Conseils généraux sur 8, ainsi que de très nombreuses communes importantes. Le pouvoir local, que la droite n'a pas réussi à obtenir dans les urnes, M. Sarkozy et son gouvernement veulent donc le reprendre d'une autre manière, en faisant voter à leur majorité au parlement une loi spéciale.

Voici deux exemples, qui toucheront demain notre quotidien demain, si le président de la République parvient à ses fins.

Le premier concerne les transports. A travers la création d'une Société du Grand Paris, l'Etat projette de reprendre le contrôle direct de l'organisation des transports, quatre ans seulement après en avoir transféré la responsabilité aux élus du Conseil régional et aux autres collectivités, qui forment le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF). J'ai parfois été critique sur cet organisme (en particulier sur la manière dont il a piloté, jusqu'à maintenant, le projet de débranchement du T4 vers Clichy-sous-Bois et Montfermeil). Rappelons néanmoins qu'il a repris la charge d'un réseau complètement saturé et à bout de souffle, l'Etat n'y ayant pas consacré les moyens nécessaires, lorsqu'il en assurait la gouvernance. Depuis, un coup d'accélérateur réel a été donné à des dossiers qui étaient en souffrance depuis bien trop longtemps (comme la rénovation du RER B par exemple, programmée à l'horizon 2012, pour notre secteur). Demain, ce serait donc de nouveau l'Etat qui déciderait seul, par décret, des nouvelles grandes infrastructures de transport à créer en Ile-de-France. Il en fixerait le tracé, le niveau de service et le mode de gestion, tout en laissant aux collectivités locales, à travers le STIF, la charge d'en financer l'exploitation, sans même les avoir associées à leur définition !

Tout aussi préoccupants sont les pouvoirs en matière d'urbanisme, que cette loi conférerait à la Société du Grand Paris (à laquelle même une collectivité de la taille du Conseil général de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas les moyens financiers d'adhérer, pour avoir ne serait-ce qu'un réprésentant au sein du futur Conseil d'administration). Il est prévu que par l'intermédiaire de cette superstructure, potentiellement compétente à l'échèle de tout le territoire francilien, l'Etat puisse décider du devenir de pans entiers des villes qui seront desservies par les nouvelles lignes de transports. Sur ces territoires "stratégiques", dont le périmètre serait défini par décret, l'Etat fixerait le droit des sols et disposerait de pouvoirs exorbitants, avec un droit de préemption supplantant celui des maires. Ainsi, par exemple, lorsque nous avons élaboré le plan local d'urbanisme (PLU) à Livry-Gargan, nous avons résisté à la pression de l'Etat, qui nous demandait d'autoriser des constructions de cinq étages (soit 18 mètres de hauteur), avec des bâtis continus en front de rue, en plein quartier pavillonnaire, le long de l'actuelle ligne du tram-train T4 (ligne des Coquetiers). Nous avons tenu bon sur le maintien de la règle qui prévaut depuis plusieurs décennies dans la ville : pas plus de trois étages (13 mètres) avec des constructions discontinues, laissant la place aux espaces verts. Eh bien ce que nous avons pu faire, nous ne le pourrions plus demain. Si la loi passe, l'Etat pourra imposer ce que vos élus ont refusé. Des décisions aussi importantes que l'aménagement d'une ville comme la nôtre, relevant aujourd'hui de la responsabilité des élus locaux, au plus près du terrain, sous le contrôle attentif de la population, pourraient demain être prises dans le bureau d'un ministère...

Ces évolutions inacceptables, qui constituent de véritables retour en arrière, sont dissimulées sous l'appellation fourre-tout de "projet pour le Grand Paris". Avec le redécoupage des circonscriptions législatives, ainsi que le projet de suppression des conseillers régionaux et des conseillers généraux pour les remplacer par quelques conseillers territoriaux élus à la proportionnelle (donc choisis par les partis, qui présentent des listes et non plus directement par les électeurs au scrutin uninominal, comme c'est le cas depuis toujours pour les conseillers généraux), la machine de la reprise en main par un Etat central autoritaire est en route.
Si le débat peut sembler technique, l'enjeu est démocratique. Aux citoyens de savoir s'ils veulent laisser faire.

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